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    Le chagrin et le deuil sont des mauvais moments, que l’on peut traverser avec plus ou moins de séquelles. En réalité, le chagrin est notre expression d’affection la plus extrême, le dernier cadeau que nous ayons à offrir. Au lieu de tenter de passer à côté, il vaut mieux trouver des façons de le traverser, la tête haute et les larmes aux yeux. Aussi, ce blog t’est dédié mon Winy. Viens nous redonner l’espace d’un instant un peu de ce bonheur que tu nous as apporté durant toutes ces années.

     

     

     

    Je vais vous conter une histoire. Et pas n'importe laquelle, la mienne… Vous verrez, c’est la grande classe !

    Alors à fond les projos, sortez les paillettes, hauts les synthés ; la star que je suis entre en scène pour un dernier One Dog Show !!! « Hep, Winy, Youp la boum, j’suis le roi du macadam… » Je sens que je tiens le haut de l’affiche ce soir. Au fond j'ai toujours eu une âme de comédien. Il n’y avait qu’à les regarder lorsque je faisais le pitre ! J’ai eu mon lot d’applaudissements…

    Je vous parlerai bien sûr de ceux qu'on est tenté d'appeler "mes maîtres" et que je nommerai par Il ou Elle. Non, ce  terme n'est pas réducteur ! Je sais qu'Elle n'aimait pas ce mot et considérait que j'étais un compagnon, un ami, un confident ; TOUT sauf un objet dont on est le propriétaire.

    Ah oui, cette Histoire, j'y arrive !... J'en ai fait certainement bien plus que tous les chiens du quartier. Chouette vie en vérité. Mais ce ne fut pas un long fleuve tranquille comme vous pourriez le supposer ! Il est vrai que j’étais plutôt calme, et comme Elle l’a dit, avec ses mots simples et chaleureux : « Je suis mort comme j’ai vécu, discrètement, sans faire de bruit. »

    Vous l’avez donc compris, je m'appelle Winy. Je suis venu au monde en 1996 et je dois dire que j’ai eu beaucoup de chance car cela avait plutôt mal commencé !

     

    Allez, cette fois c’est moi qui vous emmène promener...

     

     

     

    Abandonné dans un fossé alors que je n’étais âgé que de quelques semaines. Mon « propriétaire » d’alors voulait sans doute avoir la paix et partir tranquille en vacances ! Cet abandon me mena directement dans un refuge de la SPA en attendant de trouver une nouvelle famille d'accueil. Ce fut une première chance, j’aurai pu comme tant d’autres animaux abandonnés finir sous les roues d’un camion ! Mais il me fallait franchir une autre étape difficile : Faire bonne figure aux éventuels acquéreurs, car dans ces endroits, véritables antichambres de la mort, nous les animaux de compagnie perdons notre identité, nos repères, nous devenons tristes, nous ne nous nourrissons plus, et parfois même, devenons agressifs. Nous représentons pourtant un monde calme et désintéressé, franc et inconditionnel à qui l’on peut toujours faire confiance, et ce,  à l'inverse de beaucoup d’humains. Aussi, pourquoi de tels actes vils, méprisables, odieux et j’en passe en qualificatifs, ne sont-ils pas davantage condamnés ?

    J’ai été placé dans une cage, comme les autres… Qu'avions-nous fait de mal pour nous retrouver ainsi, abandonnés ? Lorsqu’un éventuel prétendant à l’adoption approchait, c’était la fête, tous poussaient de la voix pour se faire remarquer. Moi j’étais encore un peu jeune, pas bien habile et surtout très fatigué. Je ne comprenais pas la tournure des évènements de ces derniers jours, aussi, je restais dans mon coin, et observais…

     

    Un jour je vis arriver un petit groupe, deux jolies jeunes filles et leurs parents. Lui, je l’avais déjà remarqué quelques jours avant. Il avait porté son dévolu sur un sacré veinard qu’il venait sans doute chercher. Les choses toutefois ne semblaient pas être aussi simples, ça argumentait au sein de la famille et les tractations allaient bon train. « Non, je ne veux pas de chiot. » Disait-il. Il a envoyé son petit monde vers l’heureux élu, mais il semble que personne ne se soit arrêté devant lui. Pauv’vieux, il avait pas tant de chance que ça ! Les filles avaient fait leur choix. Et ce choix, devinez quoi ? C’était moi ! Mais là c’était pas gagné, il fallait convaincre le papa…

    Au début, Il refusait de venir. Finalement, il arriva avec son air contrarié. Comment devais-je m’y prendre ? Attends, comment font les autres déjà ? Ils aboient, font des pirouettes, remuent la queue, enfin bref tout ce qu’il faut pour montrer sa joie ! Mais moi, avec mes poils partout et mon 2 de tension, c’était pas le top !… Seulement, ils étaient tous là, spectateurs d’un jour ou de toujours. Allez, un petit effort, avance jusqu’à eux au moins ! Au ralenti, je parcourais les trois mètres qui nous séparaient, pour finalement, après bien des hésitations (attention… à la une, à la deux, à la trois…) ça y est ! Je suis enfin assis ! J’avais ces quatre paires d’yeux qui m’observaient, et je pensais : Allez sauvez-vous, ce n’est pas moi que vous êtes venus chercher…  Je sentis qu’ Il m’observait intensément. Soudain, nos regards se sont croisés et à mon grand étonnement, j’y ai lu toute la tendresse du monde. J’ai vu ainsi défiler dans ses yeux, toutes nos futures années et leurs cortèges de rires et de jeux. Nous avons compris immédiatement que nous deux, ce serait pour la vie.

     

    Ils me nommèrent Winy. Référence peut-être à Winy l’ Ourson, tant il est vrai que je ressemblais à un ours en peluche ! Ils ont aimé cette grosse boule de poils, un peu pataude et je pense leur avoir rendu. Toutefois, je faillis bien ne jamais sortir de là, le vétérinaire me croyait condamné suite à la maladie de carré que j’aurais contracté et il ne souhaitait pas signer mon papier d’adoption avant un mois ! Une éternité en somme… Heureusement, Il venait tous les jours jouer avec moi, me promener, et… réclamer ma sortie ! Que du bonheur !  Je trouvais ainsi la force de me battre pour résister à cette maladie. Finalement, nous avons gagné et surmonté l’épreuve. Je ne garderai de stigmates de ces traitements qu’une drôle de coloration auburn de mon arrière train.

    Le refuge me laissa sortir enfin, avec huit jours d’avance. Mais là, il m’arriva une chose incroyable. Figurez-vous que le vétérinaire nota sur mon carnet de santé : caniche femelle ! Caniche, euh oui, pourquoi pas ! Sauf que mon sauveur n’était pas dupe. Il trouvait que j’avais déjà de sacrées papattes pour mon âge et ressemblait davantage à un Griffon Cortal qu’à un Caniche ! En fait, il s’avère que j'étais un Briard, c’est tout de même bien différent ! Oh bien sûr, certains trouveront à redire sur mon pedigree ! Je n’étais pas de pure souche et  haut sur pattes pour ma race. Bref, un "bâtard" , comme l’on dit si joliment… Mais femelle ça va pas, non ? Quelle honte ! Désolé, mais comme chantait Polnareff, j’ai pu constater qu’elles étaient bien en nombre paire ! Et ça personne ne le voit ???? Bon je rassure tout de suite mes admiratrices. Lors de ma première visite chez une jolie petite vétérinaire, quelques jours après, l’on me mit sur la table et là ce fut la revue de détail. Les dents, ça va, les oreilles, ça va, les testicules, ça va, les pattes, ça va, le ventre, ça va, etc… « Eh oh ! Super, génial, trop top ! Tu as entendu ce qu’elle a dit ? Arrête de la mater et écoute un peu ! Il en va de ma fierté ! » Tout à coup, tu réagis enfin « Que venez-vous de dire ? » Elle recommence, les dents, ça va, les oreilles etc… « Euh non, testicules, vous avez bien dit testicules ? » Et là, tout s’éclaira enfin pour toi : « Ma chienne est un chien ! » Comme la vie était belle. Nous sommes sortis de là, ravis, heureux (enfin, moi surtout. L’honneur était sauf), les oreilles se soulevant au rythme de mes pas. Ah ! Oui, c’est une autre caractéristique dont il faut que je vous parle. Briard, peut-être, mais jamais il ne voulut me faire opérer les oreilles et la queue, aussi quand je marchais, je ressemblais à Bill, mon héros de B.D.

     


    Le dressage… C’était ma sortie dominicale. Une grande fébrilité régnait dans la maison. Je regardais avec joie les préparatifs du départ, ne pouvant tenir en place. Ils râlaient car j’étais toujours dans leurs pattes. Euh ! Pardon, leurs jambes. Je fis de rapides progrès malgré mon jeune âge et sortis 2ème de ma promo. En toute modestie, j’étais doué en tout : rappel, cachette, pas bouger, marche aux pieds, etc… Sauf mais dois-je le dire : au saut d’obstacles ! Je n’ai jamais pu franchir le minimum réglementaire soit : 30 cm… Je retrouvai ma copine, une Briard, une vraie elle, et une snob de la haute ! Elle aimait mon côté gavroche et pour elle je me transcendais. Pour Lui aussi, Il semblait si heureux.

    J’ai appris quantité de choses auprès de Lui. Assis, coucher, debout, promener, gamelle, roule, etc. Ils ont comptabilisé un jour que je connaissais 36 mots ! Je savais chanter aussi, avec une prédilection pour l’Ave-Maria de Gounod. Et bien sûr comme tout bon cabot qui se respecte, je faisais le pitre. Comme j’étais heureux avec eux ! Leur présence, c’était mon amour. Leurs regards, c’était mon bonheur et quand ils me souriaient, mes yeux étincelaient. Gardez de moi le souvenir de ce beau chien, courant sur les rochers en été, galopant à perdre haleine dans la neige, nageant tel un brave petit mousse. Et soudain revenant vers vous, roulant sur le dos, les pattes en l’air et les poils tombants. L’œil luisant, attendant les caresses sur le ventre et les grandes tapes sur les flancs. Langage secret de notre amitié.

    Peu d'année après je me retrouvais seul avec Lui. Bah ! C'est la vie qui veut ça... Sans vouloir vous paraître égoïste, je garde un bon souvenir de cette époque. Il était plus présent, plus câlin. Nous jouions beaucoup et allions marcher dans les bois. Il me racontait pleins de choses, des histoires de mecs et je l'écoutais avec béatitude, assis à ses côtés, ma tête sur ses genoux. ! Fini la niche ou le sous-sol, car summum du bonheur, nous dormions tous les deux ! Un bémol toutefois. Parfois Il me réveillait la nuit prétextant que je prenais trop de place. Ah oui ?!?  Les gamelles, par contre, c’était pas terrible. Ben ouais ! On traverse tous des passes difficiles et je ne mangeais pas que du premier choix, Lui non plus d’ailleurs… Mais comment pourrait-on en vouloir à une personne qui vous donne tant d’amour.

    Je faisais parfois ma forte tête, il fallait bien que j’essaie quelques caprices de temps en temps ! Avec Elle, c’était du tout cuit. Mais avec Lui, c’était autre chose ! Nous avons connu quelques échauffourées et nous nous tenions tête. La punition suprême lorsque j’avais poussé le bouchon un peu loin était la niche. Là où cela faisait mal, c’est qu’ Il m’ignorait superbement et je portais alors toute la misère du monde sur mon dos…  On se trouvait souvent bien bêtes de s’être énervés comme cela, aussi, cela ne durait jamais bien longtemps et nous retrouvions le plaisir de nos jeux. Nous étions installés, heureux, dans notre routine…

      

     

    Un soir, je le vis rentrer tout en émoi. Il me caressait la tête, comme à son habitude, mais je sentais qu’Il était ailleurs. Les jours qui suivirent confirmèrent mes appréhensions, Il était encore plus tête en l’air qu’à l’accoutumée et ça, je peux vous dire que c’est un signe. Y’a pas de doute ! Comme toujours, cherchez la femme ! Qu’allait-il advenir de notre belle harmonie ?

    Quelques temps après, il se décida à me La présenter. Nous étions un peu intimidés, moi parce que je suis toujours un peu timoré et Elle, pour sa peur des chiens.  Je lui fit le coup du charme (ça rate jamais avec les filles). La regardant, je fus rapidement soulagé. Intérieurement, je me mis à rire. Je suis sûr qu’ Il l’avait choisie parce qu’ Elle me ressemblait ! Oui, je vous assure ! Des cheveux de deux couleurs, les mêmes que mes poils ! Et en plus, coiffée en pétard, tout comme moi ! À cet instant, elle du lire dans mes pensées, car elle me fit un beau sourire, mit sa tête contre la mienne et dit avec humour: "Regarde ! On a la même tête ! " Adoptée !!!  Nous serions trois désormais… Enfin, je le croyais… Parce qu'Elle n'arrivait pas seule !

    Au secours ! Une chatte ! Non mais quelle idée ! On me présenta alors celle qui s’avèrera être ma bonne copine. Elle portait le doux prénom de Juliette. Un peu perdue la mignonne ; En bon Samaritain, je lui tenais compagnie et, au fil des mois, retrouva sa gaieté. Nous ne nous sommes plus jamais quittés. Ah ! La coquine, je ne l’ai pas impressionnée longtemps par ma stature… Elle venait bien me taxer ma gamelle de temps en temps et s’amusait à me surprendre en faisant des bonds devant moi, ou me mordillait les pattes. Enfin des jeux de filles quoi ! Je lui donnais ainsi l’illusion de diriger les opérations et savais ménager les susceptibilités pour faire honneur à la gent féminine. Je connaissais la parade pour avoir un peu de tranquillité. Un bon Waoufff, et elle filait sous le lit ou dans un arbre, d’où d’ailleurs elle s’amusait à me narguer. Nous étions Leurs petits enfants. Les grands étaient partis voler de leurs propres ailes et c’était toujours une telle fête de les revoir !

    Nous étions très fiers de nous balader dans les rues, avec nos looks respectifs !  Elle avait beau tirer sur la laisse, j’allais bien où je voulais.. Tandis qu’ Elle vaquait à ses emplettes, nous l’attendions patiemment Lui et moi. Chaque fois qu’une dame me caressait la tête en disant que j’étais beau, Il répondait que Lui aussi l’était et réclamait son câlin… Cela les faisait rire, et moi j’étais heureux, parce qu’ils l’étaient.

    Un point noir cependant, je n’avais plus le droit au lit. Je dormais de l’autre côté de la cloison, pas bien loin… Elle restait à la maison pour travailler et ne quittait que très rarement le bureau. J’aimais lui tenir compagnie lorsqu’elle écrivait et je sais qu’elle aimait me sentir auprès d’elle. Enfin… sauf lorsque mes sphincters se lâchaient un peu… Je filais en douce avant qu’elle ne s’en rende compte afin :1° d’éviter le cri d’horreur qui s’ensuivait invariablement, 2° m'oxygéner un peu... Je L'accompagnais au jardin,  lorsqu'il ne pleuvait pas,  et m'allongeais à ses côtés. Je la regardais tantôt lire, tantôt jardiner, tantôt dormir... J’appréciais également de participer à la préparation des repas. Elle me cuisinait les légumes du jardin, rien que pour moi ! C’est pas ce que je préférais bien sûr, mais Elle était tellement persuadée que c’était bon pour ma santé que je ne voulais pas La contrarier. Et lors de ces moments, il y avait toujours un petit quelque chose de bon pour moi.

    Elle se reproche de ne pas m’avoir dit assez souvent qu’elle m’aimait, mais il n’était point besoin de paroles ! Ces yeux et ce sourire qui m’étaient destinés valaient tous les poèmes du monde. J'ai du mal à écrire ces lignes, en sachant que plus jamais Elle ne viendra me faire de gros câlins, que plus jamais je n'aurai ma grosse tête sous sa main et son regard dans le mien. J’aimerais tellement pouvoir encore marcher à ses côtés pour qu’ ensembles nous puissions de nouveau mordre dans la vie comme jadis nous l’avons toujours fait lorsque mes jeunes pattes me le permettaient. Il m’a fallut prendre un «autre» chemin. Un chemin où je gambade joyeusement en reniflant tout et n'importe quoi, comme «avant !»

     


    Le Toilettage. Je ne sais pas pourquoi mais je sentais dès le matin que la journée ne serait pas identique aux autres. J’ignore pourquoi, sans doute parce qu’ Ils étaient encore plus gentils avec moi que d’habitude. Déjà sur la défensive, je les voyais venir avec leurs grands sourires. Aussi lorsqu’ Il arrivait avec sa grande serviette je comprenais que mon intuition, une nouvelle fois, ne me trompait pas : C’était le jour de la douche !!!  Il ne me restait plus qu’à prendre la tangente. « Taïau ! Tout le monde aux abris ! Les chiens d’abord, s’il vous plaît… Faites place ! » Et comme d’habitude, c’était par le collier qu’ Il me traînait jusque dans la salle d’eau.  J’avais beau freiner des quatre pattes sur le carrelage, rien n’y faisait… Bon j’avoue avoir quand même été bien loti. On discute beaucoup ici avec les copains et je dois reconnaître que peu d’entre eux allaient dans la douche avec leur « maître » et profitaient d’une bonne eau tiède pour leurs ablutions.

    Une fois sorti de là, c’est Elle qui prenait la relève et m’entourait de serviettes pour me sécher afin que je n’attrape pas froid ( et aussi pour que j’évite de me secouer partout dans la maison !). Une trêve m’était accordée le temps de sécher un peu. J’en profitais pour aller me rouler dans l’herbe fraîche. Humm ! Comme c’était bon de se gratouiller le dos…

    Attention, voilà la cavalerie ! Équipés de peignes, brosses, ciseaux, je Les voyais venir à moi. L’heure était au supplice du brossage. Est-ce ma faute à moi si j’avais toujours la mèche en bataille et les poils qui tricotaient ? Elle me brossait le cou, la tête, plein de papouilles dans l’unique but de détourner mon attention alors qu’ Il me tirait les poils avec ses engins de torture.

    « Aïe ! Non pas la queue ! »

    « Winy, couché, pas bouger ! »

    « Non ! Pas les pattes non plus »

    « Winy, à ta place ! »

    Bref, vous l’aurez compris une vraie bataille rangée. Lorsque les hostilités cessaient, il y avait toujours un énorme tas de poils au sol. « C’est à moi tout ça ? »  Pensais-je alors.

    Enfin, après toutes ces émotions, je recevais de bonnes petites friandises que je dégustais en pensant : «  Finalement un rafraîchissement de ma coupe me va bien, ça me rajeunit ! » Allez, tout compte-fait, ce n’était pas de si mauvaises journées que ça…

     

     

    La voiture… Le seul point de conflit avec Lui. Une fois à l’intérieur, il était bien difficile de m’en déloger. Je pouvais y rester des heures... Je passais de la banquette arrière où je pouvais m’étaler de tout mon long, à celle du conducteur. J’étais plus à l’étroit certes, mais c’était sa place à Lui et j’étais si bien… Ils m’emmenaient partout où cela était possible. Parfois, au-delà même de l’Hexagone ! Lorsqu’il faisait trop chaud, ils s’arrêtaient souvent afin que je puisse me rafraîchir dans de petits cours d’eau. Nous en profitions pour jouer bien évidemment… J’ai connu les océans, les montagnes enneigées, les forêts et les rivières… J’ai goûté aux joies des grands espaces, aux courses folles, aux baignades interminables et aux parties de cache-cache dans les sous-bois. Je creusais des trous dans le sable ou la neige, rapportais les bâtons qu’ils me lançaient, aboyais sur la grosse branche que je n’arrivais pas à ramener ou sur le bonhomme de neige qu’ Ils avaient fait pour moi !

    Lorsqu’ Ils ne pouvaient pas m’emmener avec Eux, j’allais chez mon papy et ma mamy, muni de mon paquetage (gamelle, laisse, couette, nounours…) J’étais le fils prodigue de la maison et profitais largement de belles balades à leur côté. Ils ont bien tenté de me faire dormir au sous-sol ! C’était mal me connaître ! Très rapidement je pris possession du salon. J’avais mon tapis, mon nounours bien sûr, mes petits gâteaux au café, le chocolat au goûter et la friandise au coucher. Bref, de superbes colonies de vacances. En échange, j’amenais dans ma valise, toute ma joie de vivre et le réconfort de ma présence. C’est avec impatience que, tel un rituel établit, papy et mamy attendaient les prochaines vacances !

     

     

     

     

    Dans le genre père catastrophe, je ne les ai pas épargnés. J’ai du souvent aller chez le véto ! Ah, la galère… Ma crainte, mon angoisse, mon obsession… À chaque fois qu’il me fallait descendre de voiture, mes pattes ne me soutenaient plus ! Il ne Lui restait plus qu’une chose à faire, porter mes 42 kilos… Ma hantise était que l’on puisse me voir dans une si fâcheuse posture ! Je me rappelle un jour où attendant la venue de mon « bourreau », je ne pouvais, comme à mon habitude, maîtriser mes tremblements de frayeur. Rien n’y faisait, les câlins, les douces paroles de réconfort. Lorsque tout à coup, je la vis. Une chouette petite labrador ! Dans un même temps, je Les entendis s’esclaffer. Mais de qui se moque t’ on ? De moi bien sûr… Je reconnais que dès que cette charmante demoiselle a passé le pas de la porte, mes tremblements ont subitement cessé. On a sa fierté tout de même ; et ça les fait rire ! Bah, Ils m’aiment et je les aime.

    Par contre je fus un jour bien mal en point. Je vous passe les détails de mes symptômes… Toujours est-il que je me suis retrouvé sur la table d’opération de mon véto, les tripes à l’air. Ils n’en menaient pas large tous les deux, je lisais la peur dans leurs yeux. Quarante-huit heures d’attente afin de savoir si je m’en sortirai. Ces heures furent interminables pour nous tous. Lorsque je fus tiré d’affaires, mon sauveur Les appela pour leur montrer un truc qu’il n’avait encore jamais vu dans toute sa carrière. Ce truc était un énorme caillou que j’avais malencontreusement avalé. Je me demandais aussi où il était passé !?! Le véto Leur demanda s’il pouvait le garder en souvenir et s’en servir comme presse-papiers. Sans gêne lui ! Bon, il m’a sauvé la vie, je peux bien, en remerciement, lui donner mon caillou…

    Je le revis une dernière fois quelques années plus tard… Et quelques heures avant la fin… Je préfère ne pas évoquer ces pénibles moments. Certes, physiquement, j’en ai fini de souffrir, mais j’avoue qu’il me fut bien difficile d’accepter de vous quitter et vous laisser ainsi, accablés.

      

     

    La nuit, je vous l’ais dit, je dormais près d’ Eux. Souvent je Les réveillais par les violents soubresauts de mes rêves. Oui, je rêvais beaucoup ; ma queue battait doucement, imperceptiblement ; au rythme de mon cœur ? « Quelle belle journée... J’ai bien travaillé  en montant la garde. Je suis chien de couette et me rêve chien de troupeau... Je cours, je cours, devant, derrière, à droite, à gauche, autour ; je vais et viens, passe, repasse, m’arrête langue pendante, papillons bleus effarouchés, chats apeurés, fleurs envolées, jeune chien fou, chien de race, chien à manières, chien qu’on aime, chien qui joue, qui aboie, qui travaille, qui garde... » J’étais tantôt Bill, Rintintin, Milou, Droupy, Pluto, le Clochard ou Rouky. Il m’arrivait de si belles aventures… Mais une chose est sûre, la plus belle, ce fut Vous..

    Ma vie fut bien remplie mais l’histoire fut trop courte. Ainsi, pour aller du lit où je dormais jusqu’à ma tombe où je repose. Il ne m’aura fallu que dix ans. Toi aussi, le jardin je te connais dans les moindres recoins. Tu fus le témoin de mes courses folles, mes jeux et mes longues siestes. Hier encore je te prêtais un os. Aujourd’hui je te donne les miens.

    Ma Juju, je sais que tu as mal. Je suis triste de te voir si perdue et à nouveau, si désemparée. Tu n’avais plus été ainsi depuis la mort de ton frère Roméo. Tu ne manges plus ou si peu et joues encore moins. Tu combles désormais ces grandes journées de solitude en venant quotidiennement sur ma tombe. Tu te couches là, tout contre moi, comme avant… Bien évidemment, on ne peut plus s’amuser à cache-cache ou à se faire peur, aussi nous avons remplacé cela par de longues conversations silencieuses. Comme ta fidélité me fait chaud au cœur ma Juju. Je te garde une place d’honneur pour le jour où tu viendras me rejoindre. N’ ais pas peur, tu verras, je serai là pour t’accueillir. Nous retrouverons nos jeux d’antan... et nos siestes !…


     

    Vous nous manquez tous, c’est indéniable, mais je suis bien, ne vous inquiétez pas. J’ai rejoins tous mes petits compagnons d’infortune, nous batifolons dans l’herbe verte et nous racontons tour à tour nos souvenirs. Je fais souvent le clown et me paie un franc succès. Vous n’avez pas oublié ! « Allez, roule Winy, roule… » Je leur montre également mes talents de gardien de but lorsque nous faisons un foot entre copains.

    De là-haut, je vous entends dire que la maison est trop calme désormais et qu’il y a trop de tristesse autour de vous. Tout ce qui compte à présent est le vide laissé et les souvenirs qui remontent pêle-mêle à la surface, créant dans votre tête un chaos qui vous semble insurmontable. Un vide immense qui vient d’entrer dans votre vie et ma pauvre petite Juliette n’arrive pas à le combler quoi qu’elle fasse ! Vous me reprochez tous d’être parti trop tôt. Vous saviez bien que, quel que soit le temps que nous passerions ensembles, vous refuseriez cette échéance. Peu importe les circonstances de la mort, la culpabilité serait là. Se sentir coupable de choses qu’on a faites ou qu’on se reproche de ne pas avoir faites... Elle occupe désormais sans cesse vos pensées, hante vos journées et désorganise vos nuits. Même si dans les dernières heures vous avez fait ce que vous croyiez être le mieux, vous n’êtes pas pour autant libérés. Et même si vous ne trouvez pas sujet à culpabiliser dans ma mort, vous le trouvez dans la vie que j’ai menée.

    Je connais vos pensées. « Si seulement j’avais passé plus de temps avec lui. Si seulement je lui avais donné plus d’attention. Si j’avais pu ne pas le laisser seul pour partir travailler, si seulement je n’avais pas été si occupé, si…, si…, si… » Et en un rien de temps, vous vous persuadez d’avoir été médiocres. Vous pensez : « C’est trop tard. On ne peut rien recommencer, on ne peut que continuer… » Faux ! J’ai eu bien plus que ce je n’aurais pu espérer.

    Elle est venue me voir récemment afin de me demander si Elle pouvait prendre un autre toutou. Bien sûr que Tu peux, et cette affection que tu offriras à l'heureux(se) élu(e) ne retirera rien à l'amour que vous aviez pour pour moi. Aussi, je t'envoies une petite mémère qui a bien besoin de vous. Blottie au fond de sa cage, elle vous attends à la S.P.A, et a bien besoin de vous pour une fin de vie heureuse. Je ne vous en dit pas plus, vous la reconnaîtrez.

     

    Votre cœur a une grande cicatrice, mais la plaie ne saigne presque plus. Il n’y a que vos yeux qui vous trahissent lorsque vous évoquez mon souvenir. Je vois bien ces gouttes perler à vos paupières. Je voudrais pouvoir vous répondre «  Ne soyez plus tristes, je vous remercie pour ces années remplies d’affection, de jeux, de rires, de voyages et de confidences.  Je vous remercie de m’avoir choisi et élevé dans l’amour. » Je vous regarde, je vous entends, je ne suis pas loin. Juste de l’autre coté du chemin. Et un jour, il faut y croire, nous nous retrouverons pour entamer notre plus belle promenade. Celle qui n'aura pas de fin.

     

     

     Fais de beaux rêves Winy ! Tu nous manques tu sais...

    Juliette t'as désormais rejoint. Ne nous reste que notre Toulène

     

     

     

     

     

     


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